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Le Bon, la Brute et le Néant
15 décembre 2011

ACTE 1, Scène 3

Dieu, pensif et soucieux, enlève son pyjama pour mettre sa chemise et enfiler son pantalon.

DIEU
- C'est épouvantable. J'étais pourtant sûr d'avoir tout prévu. Comment cela a-t-il pu se produire si vite? A peine le temps d'une sieste. Un éclair dans l'éternité. Je croyais que ce n'était plus des gosses pour être tout le temps derrière eux. Je leur avais pourtant envoyé un sauveur. Qu'est il devenu ?

Alors qu'il s'apprête à boutonner son pantalon, une musique moderne violente et assourdissante se fait entendre. Dieu lâche son pantalon, et rugit.

DIEU
- Qu'est-ce à nouveau ?! Encore un coup du fils !
Il se dirige à pas rapides vers la porte de la chambre de Jésus, mais son pantalon descendu à ses chevilles le fait trébucher et tomber. Il enlève rageusement son pantalon et se retrouve à nouveau en caleçon.

DIEU
- Je vais craquer ! Je sens que je vais craquer ! (Il ouvre la porte et crie.) Jésus, indigne géniture divine, viens voir ton père immédiatement !

JESUS
- Mais, 'pa, tu vois pas qu'j'suis occupé !

DIEU
- Non, je ne vois pas, mais j'entends, ça oui !

JESUS
- Qu'est ce tu veux !

DIEU
- Il se fout de moi. Jésus ! Ma divine patience a des limites ! J'ai dit: ici, tout de suite ! Je n'attendrai pas une éternité de plus ! Et arrête-moi ce boucan du diable ou tu vas me faire sauter l'Univers ! Manquerait plus que ça.

JESUS
- Ouais, ça va, j'arrive. Crache pas tes amygdales, tu vas te faire du mal.
Vêtu d'un pantalon et d'un blouson de cuir noir, où pendent d'innombrables chaînes, et coiffé d'une couronne de fils de fer barbelés, Jésus Christ, grand et solide gaillard aux cheveux longs colorés par mèche, entre sur un dernier accord de la guitare électrique en forme de croix qu'il porte en bandoulière.
JESUS
- Oyé !
DIEU
- Ah ! Mais qu'est-ce que c'est que ça ? C'est mon fils ? (Il tourne autour de Jésus) Et bé oui, aucun doute, c'est mon fils. Ce n'est pas croyable comme on peut changer en deux mille ans. Dis donc fiston, tu ne pourrais pas insonoriser ta chambre ? Ta cacophonie barbare me casse les oreilles.

JESUS
- OK ! Promis vieux crabe.

DIEU
- Et dis-moi, fiston ...

JESUS
- Oui.

DIEU
- Es-tu au courant de ce qui se passe ?

JESUS
- Non. Qu'est-ce qu'il y a ?

DIEU
- C'est vrai. Tu n'es pas au courant ?

JESUS
- Mais de quoi ?

DIEU
- (Il tonne) De l'apocalypse, espèce d'andouille !

JESUS
- L'apocalypse. C'est l'apocalypse.

DIEU
- Espèce d'incapable ! Je t'ai envoyé pour sauver le monde ! Qu'est-ce que tu es allé faire ? Te prélasser sur les plages de Galilée ?! Je ne t'ai pas envoyé en mission sur terre pour passer des vacances au soleil! Enfin, quoi. Je te faisais confiance, moi. Je croyais pouvoir en profiter pour piquer un petit roupillon. Mais je vois que j'aurais mieux fait de rester éveillé. On ne peut vraiment faire confiance à personne. Même pas à son propre fils.

JESUS
- Mais papa, j’ai fait ce que tu m’as dit, je suis descendu sur terre pour sauver les hommes.

DIEU
- Alors comment se fait-il que nous en soyons arrivés là ?

JESUS
- Ils m'ont crucifié.

DIEU
- La belle affaire. Tu n'avais qu'à ressusciter. C'est facile, tout de même. C'est à la portée de tout le monde.

JESUS
- Mais, c'est ce que j'ai fait. Mais...

DIEU
- Mais quoi ?

JESUS
- J'ai eu la trouille. C'est quand même pas marrant de se faire crucifier tous les jours. Alors j'ai ressuscité, histoire de leur montrer qui j’étais, et puis...

DIEU
- Et puis quoi ?

JESUS
- Je me suis barré

DIEU
- (Il tonne) Quoi ! Tu les as abandonnés.

JESUS
- Oui, mais avant de partir je leur ai laissé tout un tas de recommandations.

DIEU
- Dieu sait lesquels, ils n’ont pas l’air d’en avoir tiré un bon manuel pratique.

JESUS
- Et puis pour ne pas qu’ils perdent espoir, je leur ai dit que je reviendrai.

DIEU
- Et, évidemment, tu n'es pas revenu.

JESUS
- Ben...

DIEU
- Comme ça, à la place d’un guide, ils ont eu un mythe. Bravo !

JESUS
- Mais je n’ai pas eu le temps. J’étais en train de préparer mon retour, un super come-back de ouf, et puis, paf ! l’apocalypse. Trop tard. Tout s'est passé si vite, tu sais.

DIEU
- C'est ça, c'est ça. Ne me prend pas pour une bille, veux-tu ? Au lieu de perdre ton temps à composer de la musique diablesque à faire dilater les galaxies, tu aurais mieux fait de t'occuper plus sérieusement de ta mission, et de rester sur terre jusqu’à ce que la sagesse de Dieu leur soit rentrée dans le crâne; quitte à ressusciter plusieurs fois. C'est inadmissible. Je ne te le pardonnerai jamais.

JESUS
- Mais...

DIEU
- Il n'y a pas de mais. Je sais ce que tu vas me dire, et je réitère, c'est impardonnable. Dieu est bon et miséricordieux, mais faut pas pousser !

JESUS
- Comment me faire pardonner ?

DIEU
- Jamais, je te dis. Dans un bon millier d'années, peut être.

JESUS
- Mille ans ! Mince, c'est long.

DIEU
- Long ! Une larme dans l'océan de l'éternité, tu veux dire. Et c'est un minimum pour refroidir ma colère. En attendant, tu vas me faire le plaisir de laisser tomber la guitare pour quelque temps. D'abord, on aura la paix. Et ensuite, tu pourras peut être aller t'occuper de la direction de l'Orchestre Symphonique de l'Univers. Pour l'ouverture de cet ultime jugement, j'ai besoin que vous m'interprétiez quelque chose de grandiose. Tu vois, quelque chose d'éloquent, de fort, d'imposant. Une oeuvre musicale à la mesure de la toute puissance de Dieu.

JESUS
- Oh. Pour ça, une toute petite musique de nuit suffira.

DIEU
- (Il soupire profondément) Jésus !

JESUS
- Oui ?

DIEU
- Sors ! Fiche le camp avant que je craque. (Jésus se dirige vers la porte de sa chambre) Non, pas par là. (Il ouvre la porte du Paradis) Par là; et si dans deux minutes tu n'es pas à ton poste de chef d'orchestre, je te promets que tu vas entendre les cloches du Paradis sonner.

JESUS
- Bien papa. (Il sort).
 

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