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Le Bon, la Brute et le Néant
15 décembre 2011

ACTE 2, Scène 2

SAINT PIERRE
- Ainsi s'emballait la machine infernale. La population explosait, et le monde progressait. Au commencement de l'humanité, Dieu avait pensé que les caprices climatiques, les maladies, les animaux sauvages et vos propres guerres suffiraient largement à limiter votre prolifération. Hélas, dans son infinie sagesse, l'Eternel s'était trompé. Et lorsqu'il réalisa son erreur, il lui fallut innover. Alors il créa des virus de plus en plus sophistiqués et imagina de nouvelles catastrophes. La peste, le choléra, le paludisme, le SIDA, les tornades, les sécheresses, les inondations, les tremblements de terre, les raz de marées, les éruptions cataclysmiques, les invasions d'insectes, autant de fléaux inventés tous spécialement pour freiner votre fulgurant essor démographique. Mais vous étiez plus malins que prévu. Tous ces problèmes, votre maudite science les a résolus.
 
L'AME DE SCIENCE
(au milieu des spectateurs)
- Objection, votre honneur !
 
DIEU
- Qui donc objecte ?
 
L'AME DE SCIENCE
- (Il se lève ) Moi, votre honneur.
 
DIEU
- Saint Pierre, qui est cette âme ?
 
TERMINAL SAINT PIERRE
- (Des pages de texte défilent à l'écran). C'est une âme de science, Seigneur.
 
DIEU
- Qu'avez vous donc à dire âme de science ?
 
L'AME DE SCIENCE
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir. Quel mal y a-t-il à vouloir améliorer les conditions d'existence de l'humanité ?
 
DIEU
- Aucun à priori, mais...
 
L'AME DE SCIENCE
- Alors pourquoi incriminez vous la science ?
 
DIEU
- Je ne reproche rien à la science en elle même. Ce sont ses débordements que je condamne. L'esprit de la recherche scientifique est bon, et je l'encourage, car il participe de la grandeur de l'homme, mais ses déviances sont malsaines et dangereuses.
 
L'AME DE SCIENCE
- Mais nous, les scientifiques, nous n'avons que de bonnes intentions. Nous produisons des idées, des concepts, des inventions. Nous ne sommes pas responsables de ce qu'elles deviennent entre les mains de personnes mal intentionnées.
 
DIEU
- Je suppose alors que c'est dans une bonne et louable intention que vous avez inventé l'arme nucléaire.
 
L'AME DE SCIENCE
- D'accord, l'arme nucléaire, c'était une bavure.
 
DIEU
- Et pas des moindres. Que dire aussi des centrales atomiques ?
 
L'AME DE SCIENCE
- Nous avions besoin d'une énergie puissante pour nous développer. C'était incontournable.
 
DIEU
- Vous n'ignoriez pourtant pas les risques ?
 
L'AME DE SCIENCE
- Nos centrales étaient infaillibles.
 
DIEU
- Pourtant, elles ont failli bien des fois, et entraîné des dégâts irréparables.
 
L'AME DE SCIENCE
- Nous plaidons non coupable. Les défaillances n'étaient pas techniques mais humaines.
 
DIEU
- Peut être avez-vous commis l'erreur de négligé le facteur humain ? Quand au devenir des déchets radioactifs, je parie que vous ne vous êtes même pas posé la question avant de construire votre première centrale.
 
L'AME DE SCIENCE
- Nous ne pouvions pas arrêter l'avancée technologique pour ce simple petit détail.
 
DIEU
- Je suppose aussi que le trou dans la couche d'ozone, et l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère étaient également de petits détails n'ayant pas suffisamment d'importance pour mettre un frein à l'industrie pétrolière et chimique.
 
L'AME DE SCIENCE
- Mais pourquoi vous obstinez-vous à accusez les scientifiques, alors que c'est l'industrie qui est le véritable coupable ? Nous en sommes les principaux concepteurs, certes, mais nous n'avons aucun pouvoir sur elle, et encore moins celui de l'arrêter.
 
DIEU
- Alors pourquoi y apportez vous sans cesse de nouvelles innovations ?

L'AME DE SCIENCE
- Pour améliorer les performances de nos usines en limitant, autant que possible, leurs effets polluants, voyez vous.
 
DIEU
- Dans les pays riches, je dois avouer que vous avez fini par faire un tout petit effort. A l'aube du deuxième millénaire, il était grand temps. Par contre dans les pays du tiers monde, c'était bien le dernier de vos soucis. Pire encore, c'était bien facile d'être propre chez soi, quand on faisait les salles besognes par les autres.
 
L'AME DE SCIENCE
- Ce n'est pas de notre faute. Nous n'avions aucun pouvoir de décision. Nous obéissions aux ordres.
 
DIEU
- Pourquoi obéissiez vous ? Vous auriez pu refuser, si vous estimiez que cela était dangereux. Je vous ai donné une conscience, c'est pour vous en servir. Il me semble que vous ne vous posez pas beaucoup de problèmes éthiques. Science sans conscience...
 
DIEU et L'AME DE SCIENCE
- ... n'est que ruine de l'âme.
 
L'AME DE SCIENCE
- Je sais.
 
DIEU
- Ah ! Vous savez. Pourtant, lorsque vous tripatouillez dans le génome des êtres vivants, vous ne demandez pas à la nature si elle est d'accord. Pourtant, lorsque vous cultivez en série des organes humains en greffons sur de malheureuses souris, ça ne vous empêche pas de dormir. Pourtant, lorsque vous inventez les bombes chimiques et bactériologiques, vous parvenez toujours à vous regarder dans une glace. Hein ? Répondez !
 
Silence
 
DIEU
- Et je ne vous parle pas de votre remarquable médecine qui n'a eu de cesse que d'encourager la surpopulation humaine et d'affaiblir l'espèce. Et je ne vous parle pas, non plus, des miracles de votre agriculture intensive, responsables de l'érosion des sols, de la pollution des eaux, et de la mort de la diversité naturelle. Pas plus, je ne vous parlerai des conséquences de la construction des supers pétroliers, dont vous n'ignoriez pas la fragilité. Devrais-je aussi vous rappeler les conséquences de la découverte du plastique et de l'invention du réfrigérateur ? Il me faudrait tout une éternité pour passer en revue la somme de vos inventions diaboliques.
 
L'AME DE SCIENCE
- Pourtant, il n'y avait guère que des scientifiques pour sensibiliser les gouvernements à la dégradation de la planète.


DIEU
- C'est vrai, et je vous accorde cette circonstance atténuante. Mais ne croyez-vous pas qu'il était un peu tard ? Pourquoi avoir attendu si longtemps pour réagir ?

L'AME DE SCIENCE
- Parce que nous ne pouvions pas remettre en cause le progrès de l'humanité.
 
DIEU
- Ah, le progrès, parlons en de celui là. Qu'est ce que le progrès ? Définition, Saint Pierre.
 
TERMINAL SAINT PIERRE
- Progrès: Un, changement d'état qui consiste en un passage à un degré supérieur. Deux, développement en bien. Trois, le fait de se répandre, de s'étendre dans l'espace, de gagner du terrain.
 
DIEU
- Pour ce qui est de se répandre il n'y à rien à dire, vous avez été très forts. Bravo ! Par contre, pour ce qui est d'avoir évolué vers un état meilleur, je doute. A moins de considérer que respirer un air saturé en soufre et en carbone c'est excellent pour la santé, que se promener dans une forêt de squelettes ligneux c'est romantique, que pouvoir parcourir le monde sans rencontrer une seule espèce sauvage c'est rassurant, et que vivre avec l'angoisse des catastrophes nucléaires c'est excitant. Je n'aurais rien contre le progrès, s'il ne menaçait pas dangereusement la nature. Mais vous êtes allés trop loin. Poussés par un orgueil insolent, aveuglés par un égoïsme écervelé, démangés par un désir de repousser sans cesse vos limites, et encouragés par une idéologie matérialiste dévote du progrès technologique sans frein et sans condition, vous avez mis en péril la nature, mais aussi votre propre existence. J'ai essayé de vous empêcher d'arriver au désastre, mais plus je mettais d'obstacle, plus vous progressiez. Pire, chaque problème vous faisait progresser plus encore. Mais progresser où, vers quoi ? Telle est la question. (Silence). Gabriel, faites entrer la plaignante.
 
GABRIEL
- Immédiatement votre honneur
 
Il sort puis revient accompagné par deux anges du SAMU céleste qui tant bien que mal, soutiennent une jeune et jolie femme, vêtue de haillons, et portant sur le corps les traces de nombreux sévices (Amputations, greffes supplémentaires de membres, cheveux à demi coupés, arrachés et brûlés, plaies béantes, brûlures diverses, etc..)

Les deux anges déposent la malheureuse et sortent

 

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